Capitaine Clito
J’ai fini ma bière et l’horreur est arrivée, la pire des horreurs. Sarah m’a soulevé et m’a posé entre ses cuisses à peine écartées. Je me suis retrouvé nez à nez avec une forêt. J’ai bandé mes muscles, me doutant de la suite. On m’a enfoncé dans une nuit puante. J’ai entendu Sarah gémir. Puis Sarah a commencé à me faire subir un va-et-vient très lent. Je l’ai déjà dit, la puanteur était insupportable, c’était dur de respirer mais j’y arrivais quand même – il y avait des poches d’oxygène dans les plis. Coup sur coup, ma tête, le bout de mon crâne, butait contre le Capitaine Clito, et là Sarah lâchait un grondement d’illuminée.
Sarah me faisait aller de plus en plus vite. Le dos me brûlait. Je ne trouvais plus d’air, la puanteur montait. Sarah criait maintenant.
Brusquement, j’ai compris que j’avais intérêt à y mettre du mien si je voulais abréger le supplice : A chaque passage je tendais le dos et la nuque, je gigotais comme un perdu dans ce traquenard et je cognais Capitaine Clito.
Soudain je me suis senti arraché à ce tunnel terrible. Sarah m’a collé contre sa figure.
« Ah ! viens toi, petit démon ! »
Sarah était ivre de vin et de passion. Je suis retourné dans le tunnel… Ça allait de plus en plus vite. J’ai aspiré un maximum d’air pour mieux bomber le torse puis j’ai amassé de la salive et j’ai craché tant que j’ai pu, 3 fois, 4, 5, 6 fois avant d’arrêter… La puanteur dépassait l’imagination et alors, enfin, je me suis retrouvé dehors.
Sarah m’a posé à côté de la lampe et a couvert de baisers ma tête et mes épaules.
« Oh ! chéri, précieuse petite bite, je t’aime ! »
Charles Bukowski, Contes de la folie ordinaire, tr. J.-F. Bizot et L. Mercadet, Paris, Grasset, Le Livre de poche, 1981.