Clémenceau
« Avec le regard sur la fin
la vie est belle »,
Son regard était posé sur les roses de la Vendée
Il écrit encore :
« Les hommes n’ont pas d’âme,
si seulement ils avaient de la tenue. »
La remarque qui suit montre un sentiment supérieur :
« Il y a des étoiles
éteintes depuis deux mille ans
et dont nous recevons encore la lumière.
Quand on y pense
tout est en ordre. »
En art il était connaisseur.
Sur son voisin Monet il écrivit :
« Il aurait dû vivre dix ans encore ;
alors on n’aurait plus rien compris à ses œuvres,
et sur la toile peut-être
il n’y aurait plus rien eu à voir. »
Le dialogue qui suit est spirituel :
« C. : On le disait pédéraste passionné ?
M. : Non il parle de la pédérastie sans excitation.
C. : Quoi, il ne s’excite même pas ? »
Il plaisantait nos singularités :
« Les Allemands voient comment un joli petit animal folâtre dans l’eau
et ils le nomment alors cochon de mer. »
Chez lui la perspective prend la place de l’emphase,
à quatre-vingt-cinq ans il récapitula :
« Rien n’est vrai. Tout est vrai.
C’est l’ultime conclusion de la sagesse. »
Il avait souvent été en Grèce,
et il avait ramené bien des choses de l’Acropole ;
il termina ainsi son testament :
« Sur ma tombe le marbre d’Héllade. »
Gottfried Benn, Poèmes, trad. Pierre Garnier, Paris, Gallimard, 1972, p. 231.