Épître de la queue

C’est depuis toujours l’habitude du Ciel

De poursuivre ceux qui lui sont rebelles

J’avais depuis toujours une Queue libre et d’or

Car la bite est le Prince du royaume du corps

Mes membres s’affairaient toujours à son service

Sans relâche au travail pour assouvir son vice

Elle m’était devenue plus chère que mon âme

Et pour elle je jetai tout mon cher patrimoine

Pourtant je ne dis pas qu’elle me fut funeste

Au contraire toujours-elle œuvra pour mon bien

Elle m’a ouvert la voie de la célébrité

Car il ne reste au monde de cul qu’elle n’ait monté

Voici venu le temps de l’histoire de la Queue

Oyez ce qu’il advient du souverain Nœud

J’ai conté jusqu’ici qu’il s’agissait d’un nœud,

Mais quel vit, grands Dieux, quelle Queue !

Qu’on lui dise chéri, qu’on l’appelle, à l’envi,

Kir, Ir, Queue, Bite ou Vit,

Celui qui n’a qu’un œil, Celui qui en a Deux,

Le Glabre ou le Velu, le Casqué, le Cornu,

La Bête, l’Intransigeant, le Fouilleur, le Fouissant,

La Terreur des pucelles, le Justicier poilu,

Le Baiseur, le Creuseur, ou l’Épieu du Sultan

Des noms, plus de cent, des milliers d’attributs :

L’ombre de Dieu sur terre, c’est ce beau Dard puissant.

De cette grande merveille rendons grâce à Dieu,

Ce si preux chevalier à la lance de feu.

Vif, énergique, premier levé, dernier couché,

C’est un ruffian brutal un rien mal embouché

D’être debout si tôt et si actif le soir

La luxure toujours lui met la larme à l’œil

Il est si vigoureux, obstiné et fripouille

Qu’à mille chaudes-pisses ont résisté ses couilles 

Les menstrues et le sang l’incitent au péché

Comme les hémorroïdes, ou même les diarrhées.

Pour percer les tréfonds il n’a pas son pareil

Jamais aucun héros n’a eu tel appareil

Superbe et Sûr, Sévère, sacré Sabreur de fesses

Avec Saillie et Saigneur lui fabriquent sept

Pour la nouvelle année, c’est la bite dans le poing

Qu’il vous fera passer d’aujourd’hui à demain

Dans le con, il vous laisse une brûlure aiguë

Ou une mauvaise gratouille à jamais dans le cul

Toujours entre les cuisses et c’est une pustule

Ailleurs il pousse si bien qu’il y devient fistule

Jeunes femmes ou vieillards, vieilles souches ou bois vert

Ses quartiers sont le cul l’été, le con l’hiver

Connus ou inconnus, il baise proches et lointains

Francs, musulmans, Turcs ou Tadjiks, avec entrain

S’il s’agit d’une femelle, copieusement il la mouille

Et dans le cas d’un homme, lui rajoute deux couilles

Mirzâ Habib Esfahani, Épître de la queue, trad. Mathias Énard, Paris, Verticales, 2004, pp.59-62.

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