La Coupe
Par Gottfried Benn
Viens-tu pour la dernière fois,
nous étions pourtant si seuls
et nous coulions dans une coupe
avec nos images et nos rêves.
Cela se passait aujourd’hui
et la nuit était notre mer,
nous étions la proie l’un de l’autre,
la cargaison blanche.
Nous nous frôlions comme deux races,
deux peuples de l’origine,
les tribus les sombres les pâles
s’abandonnaient l’une à l’autre.
Viens-tu pour la dernière fois,
mais tout cela n’était qu’un jeu
ou bien vis-tu comment dans la coupe
nos larmes et nos ombres tombèrent –
vis-tu, vis-tu comment elles baissaient
avec les fleuves de ce vin
puis leur chute, leur silence :
la métamorphose de l’Être – ?
Gottfried Benn, Poèmes, trad. Pierre Garnier, Paris, Gallimard, 1972, p. 189.