Morceaux du sanctuaire

Par Plotin

De là vient que l’éternité est quelque chose de vénérable, dont la notion que nous en avons-nous dit qu’elle est identique au dieu, et identique, nous dit-elle, à ce dieu. Et c’est à juste titre que l’on dirait de l’éternité qu’elle est un dieu qui se montre lui-même et se manifeste tel qu’il est : l’être, inébranlable et identique à lui-même, et, de cette façon, aussi, solidement établi dans la vie. 

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Avant – quand il n’avait pas encore engendré cet « avant » et qu’il n’avait pas encore besoin d’un « après » – il se reposait dans l’être avec l’éternité, car il n’était pas le temps : il demeurait au contraire lui aussi tranquillement dans l’éternité. Mais une nature affairée, parce qu’elle avait choisi de se gouverner elle-même et de s’appartenir à elle-même, en prenant le parti de rechercher plus que le présent, se mit elle-même en mouvement.

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Mais sa félicité il ne l’a pas acquise, il est toutes choses dans l’éternité, et c’est l’éternité véritable qu’imite le temps en tournant autour d’elle, en laissant derrière certaines choses et en se dirigeant vers d’autres. Car les choses les unes après les autres viennent de l’Âme : parfois Socrate, parfois un cheval, toujours une chose particulière. En revanche l’Intellect est toutes choses. Il a donc en lui toutes les choses qui restent immobiles dans le même lieu, il « est seulement », et l’expression « il est » vaut pour toujours, car à nul moment il est à venir, puisque même alors il « est » ; jamais non plus il n’est dans le passé, car rien là-bas n’est passé, mais les choses sont toujours présentes, car elles restent les mêmes, comme si leur état les comblait. 

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Comment se fait-il que l’Un au contraire ne soit pas resté en lui-même et qu’une si grande multiplicité soit surgie de lui, cette multiplicité que l’on voit dans les choses qui sont et que nous avons raison, pensons-nous, de ramener à lui ? Abordons ces questions, en invoquant d’abord le dieu lui-même, non pas en ayant recours au langage, mais en sortant de nous-mêmes au moyen de notre âme pour lui adresser une prière ; c’est ainsi que nous pourrons le prier seul à seul. Celui qui contemple doit donc, puisque l’Un est en lui-même comme à l’intérieur du sanctuaire, et qu’il reste tranquille au-delà de toutes choses, contempler ce qui correspond à des statues immobiles, qui se dressent déjà à l’extérieur du temple ou plutôt la statue qui est apparue la première.

Plotin, Ennéades, Traité 45 (III, 7) et Traité 10 (V,1), tr. L. Brisson et J.-F. Pradeau (dir.), Paris, GF-Flammarion, 2003.

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