Le lit de camp
Il est difficile de vivre avec les hommes, parce qu’il est difficile de se taire. Et ce n’est pas envers celui que nous détestons que nous sommes les plus injustes, mais envers celui qui nous est parfaitement indifférent. Si ton ami est malade, offre asile à sa souffrance, mais sois pour lui une couche dure, un lit de camp ; c’est ainsi que tu lui seras le plus utile. Et si ton ami te fait du mal, dis-lui : « Je te pardonne le mal que tu m’as fait ; mais le mal que tu t’es fait à toi-même, comment pourrais-je te le pardonner ? » Ainsi parle tout grand amour ; il surmonte jusqu’au pardon, jusqu’à la pitié.
Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra [1883], tr. G. Blanquis, Paris, Flamarrion, 2006, p. 180