Préface au trésor de la poésie universelle

Il est des rapprochements qui, tout de suite, attirent l’attention : les sentences du Tao-te-King rejoignent les Vers dorés attribués à Pythagore. Il y a trop de similitudes dans le recrutement, le rôle, les méthodes et l’action politique des sectes taoïstes et pythagoriciennes, pour qu’il s’agisse d’une simple coïncidence. L’écart des siècles et des méridiens est faible en face d’un tel faisceau de ressemblances terme à terme. Les cosmogonies forment également, une famille cohérente et bien définie. Le sujet l’exige, le fait attendre, et ce n’est pas une grande preuve de l’unité profonde de la poésie que de le constater. Je ne m’étonne pas outre mesure que Polynésiens, Assyriens, Égyptiens aient ressenti le même besoin, ni le Grec Hésiode et l’anonyme Indien quitché qui composa le Popol Vuh. En revanche, une poésie pastorale, allégorique, à interprétation mystique, pouvait moins aisément se retrouver en des civilisations qui semblent s’être développées dans une quasi-ignorance mutuelle : le rapprochement du Cantique des Cantiques et de la Gîta Govinda n’en apparaît que plus chargé de signification. Il est bien d’autres rencontres : les rituels en vers, les éloges de monarques, les épinicies, les complaintes, les panégyriques… Elles tiennent au parallélisme des situations et des mœurs, à la stabilité relative des émotions humaines.

Roger Caillois, Jean-Clarence Lambert, Trésor de la poésie universelle, Paris, Gallimard UNESCO, 1958.

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