Louée soit la retraite du loup

Louée soit la retraite du loup qui change
sa gueule en face d’homme et celle-ci en face d’ange
les neuf échelons qu’un à un Plotin sut escalader
la crevasse du séisme que la fleur a comblée

Le brin de clarté qu’en picorant la mouette a délaissé
et qui éclaire les galets comme de candeur
la ligne qui traverse ton âme en son midi
et qui te fait part du deuil du Paradis

Louée soit qui précède l’apparaître
claironnance d’Achéron et ocre-chair brûlé
le poème torréfié chambre d’échos de la mort
aux vocables de fer de lance et suicidaires

La lumière intime qui blanchit comme l’aube
à l’image et la ressemblance de l’infini
les montagnes qui sans avoir connu de moule
ont toutes le profil de l’éternité

Les montagnes avec l’arrogance des ruines
les montagnes accablées, mammifères gravides
les montagnes, ces brisants d’immense vision
obtuses de partout et percées de quarante passes

Celles pleines de bruine comme les monastères
celles enfouies sous la brume des brebis
celles qui lentes s’avancent à pas de berger
avec le petit gilet noir et la grande houppelande

Le Pinde, le Rhodope, le Parnasse
l’Olympe, le Tymphriste, le Taygète
le Dirphys, l’Athos, l’Aïnos

Odysseas Elytis, Axion Esti, trad. Xavier Brodes et Robert Longueville, Paris, Gallimard, 1987.

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