Le monde de la méduse

Il y a aussi des animaux pluricellulaires, comme la méduse de haute mer, qui peuvent vivre avec un seul cercle fonctionnel. Tout l’organisme se réduit ici à une pompe flottante qui absorbe l’eau de mer enrichie de son plancton, et la rejette une fois filtrée. La seule manifestation de vie réside dans les vibrations alternées de l’ombrelle gélatineuse élastique. L’animal reste à la surface de la mer grâce à une pulsation constamment égale. En même temps, les parois de son estomac vont se dilater et se contracter alternativement en aspirant et en refoulant l’eau de mer par leurs pores. Le contenu liquide de l’estomac est drainé dans des tubes digestifs très ramifiés, dont les parois captent la nourriture et l’oxygène véhiculé avec elle. Nager, se nourrir et respirer, ces actes sont accomplis par la contraction rythmique des muscles situés sur le pourtour de l’ombrelle. Pour entretenir ce mouvement sans défaillance, huit organes en forme de cloche sont suspendus sur le bord de l’ombrelle ; à chaque pulsation leur battant vient frapper un coussinet nerveux. L’excitation ainsi produite déclenche la pulsation suivante. Ainsi la méduse se donne elle-même son caractère actif et celui-ci déclenche un caractère perceptif qui suscite à son tour le même caractère actif et ainsi de suite à l’infini.

C’est toujours le même son de cloche qui résonne dans le milieu de la méduse, et qui règle le rythme de sa vie.

Jakob von Uexküll, Mondes animaux et monde humain, tr. P. Muller, Paris, Denoël, 1965, p. 45-46.

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