Troisième poésie verticale

1

Les formes naissent de la main ouverte.
Mais il y en a une qui naît de la main fermée,
de la plus intime concentration de la main,
de la main fermée qui n’est et ne sera pas un poing.
L’homme prend corps autour d’elle
comme la fibre ultime de la nuit
lorsqu’elle engendre la lumière qui coïncide avec la nuit.

Peut-être avec cette forme sera-t-il possible
de conquérir le zéro,
l’irradiation du point sans résidu,
le mythe du rien dans la parole.

2

Labyrinthe de l’amer et du doux,
des temps mûrs d’avant la récolte,
des gestes équivoques dans les forges exactes,
des douceurs mortes autour du fruit,
des arrière-goûts acides
qui bloquent les manœuvres tactiles du soir,
murailles d’un climat qui dut être futur,
plus futur que le temps de n’importe quel jour futur.

La saveur s’affole
comme un filet de sang qui ne trouve pas les veines.

Le tronc central lui-même tombe hors de la forêt.

3

Crevasse dans le cœur de l’imminence,
tandis que le pied de l’espérance
danse son temps bleu,
amoureux de sa propre ombre.

Il y a un hymne en attente
qui ne peut commencer
avant que la danse n’achève
sa culture du temps.

C’est un hymne vers l’arrière,
une imminence inversée,
l’ultime aiguillée pour lier la source
avant que sa coulée ne l’emporte.

Il y a des chansons qui chantent.
D’autres sont immobiles.
Les plus profondes reculent
dès leur première lettre.

Roberto Juarroz, Poésies verticales, trad. Fernand Verhesen, Paris, Gallimard, 2021.

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