La genèse de la pensée
En fonction de ces modifications générales de l’action, on assiste durant la petite enfance à une transformation de l’intelligence qui, de simplement sensori-motrice ou pratique qu’elle était au début, se prolonge désormais en pensée proprement dite, sous la double influence du langage et de la socialisation. Le langage, tout d’abord, en permettant au sujet de raconter ses actions, lui fournit à la fois le pouvoir de reconstituer le passé, donc de l’évoquer en l’absence des objets sur lesquels ont porté les conduites antérieures, et d’anticiper les actions futures, non encore exécutées, jusqu’à les remplacer parfois par la parole seule sans les accomplir jamais. Tel est le point de départ de la pensée.
Jean Piaget, Six études de psychologie, Paris, Denoël, coll. « folio essais », 1964, p.36.