Le rire du haschich

Le rire fait abandonner des positions de trop de contrainte.

Dans le haschich, le rire vient après une sorte de sinuosité, extrêmement déliée, qui est à la fois comme une onde, comme un chatouillement et comme un frisson et comme les marches d’un escalier très raide. Desserrages brusques. Le comique vient ensuite. Il ne tarde pas. L’imagination, tout l’intéresse. Tout la pique, aussitôt amusée à broder, fabuler, placer et déplacer. L’une entraînant l’autre, ce sont alors des rires interminables, des cascades de relâchement qui ne relâchent rien du tout, et le rire, toujours en course, après un instant de halte pour retrouver le souffle, reprend, impossible à assouvir. Rire sur courroies d’entraînement. Rire sans sujets de rire. Des sujets on en trouve au début. Ensuite l’imagination se lasse mais le rire court toujours.

Pareil au fou rire de certains aliénés, il exprime particulièrement la prodigieuse absurdité de tout, à la fois métaphysiquement et (par le chatouillis) très physiquement ressentie, ressentie dans une conjonction extraordinaire.

Henri Michaux, Connaissance par les gouffres, Paris, Gallimard, coll. « nrf », 1967, p.24.

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