Un bestiaire sexuel

les bergers chevauchent leurs moutons favoris ; à la toison, ils essuient l’attache de leurs cuisses, le bord de leur cul recouverts de sueur dans le mouvement de la branlée ; au contact de la laine embaumée, leur sexe, ramolli, redurcit, s’emmêle, violacé, dans la toison salie ; les femmes, rassemblées autour de la fillette blessée, tournent la tête ; les bergers, leurs boules sécrétives écrasées sous leur cul contre l’ossature des moutons, leurs pieds nus enfoncés dans le sable chaud, leur langue répandue sur leur menton, halètent, jappent ; des chiens en rut se roulent dans le blé, mordillent les robes des femmes ; se roulent dans le sable, mordillent le sexe des bergers ; un chien roux lèche la plaie de la fillette, va se frotter à la jambe du mieux membré des bergers, lui jette sa langue brûlante entre les cuisses ; la langue enveloppe le sexe ; le souffle du chien baigne le bas-ventre du berger, la bave ruisselle sur sa cuisse ; le berger, raidissant ses jambes contre les flancs du mouton – le craquement des muscles effraie le chien qui se jette de côté : sur un plissement mouillé d’écume des lèvres du berger, un pet léger de celui-ci qui bouffe la toison en arrière de son cul, la bête revient, recueille le sexe sur sa langue –, ahane, ses doigts accrochés aux oreilles du mouton ; le foutre jaillit, le chien le retient dans sa langue recourbée, le porte dans le blé, aux pieds des femmes ;

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« la braise s’éteint sous le morceau à moitié cuit, le sang noir gicle dans le fond de ma gorge… je coupe la queue du chacal éventré, je l’enfonce entre mes fesses, je l’accroupis sur le rocher, je dresse mes oreilles dans le vent salé, la pluie crible mes lèvres closes sur le sang jailli. Rico coupe la gueule de la bête, la creuse, le vide avec son poignard, y enfouit sa tête, s’agenouille dans la boue, marche vers le rocher, mon sexe accroche le silex… Rico pousse, entre mes fesses écartées, le museau ensanglanté du chacal… ôtant la dépouille, la tenant écrasée contre mes reins, il brasse ses lèvres sur mon cul… une colique noire bout dans mon ventre.. expulsée, gonfle sa bouche.. il se redresse, il crache la bouillie excrémentielle.. réaccroupi, broute la mousse trempée, la mâche en fixant – moi descendu, jambes raidies, la pluie criblant mes muscles crispés, branlant mon sexe ramolli par la pluie – le fouillis brun de ma toison mouillée.. redressé, il se jette sur mon corps ruisselant, nos genoux se heurtent, sa main remue sur le haut de ma cuisse le foutre qui a jailli.. il baise sur ma nuque l’empreinte des mailles du hamac, il tire avec ses dents le duvet qui recouvre ma nuque, les boucles grasses de mes cheveux sur les oreilles.. son genou monte entre mes cuisses.. mon short US, jeté sur la mousse, garde, sous l’averse, les plis que lui imprime le feu incessant de mon sexe.. je me laisse glisser le long du corps demi-nu de Rico.. mes lèvres, posées sur la toile humide, suivent l’avancée du foutre dans son sexe moulé par le short.. il jaillit, je le cueille en passant ma langue sous le short, un fade sang y est mélangé.. les singes sifflent dans les cèdres : nous marchons, nus, au-devant des rebelles, le sexe dressé, la joue inclinée sur l’épaule, l’œil bridé, o rebelles, votre ventre est léger, vos joues, tachées de fard… »

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le soleil sèche le sang accroché aux boucles rousses des aisselles de Khamssieh endormi sur le côté ; la tarentule issue de la toison engluée, remonte sur le ventre bombé du putain, son abdomen affaissé partage le sang sur la poitrine ; le putain tressaille, sa main suit la marche de la tarentule autour du téton droit : « …tette plus bas, l’homme… » ; son sexe, renversé dans le creux de l’aine, durcit quand la tarentule frôle la pointe de sa langue sortie d’entre ses lèvres ; le foutre pris dans le cul de Wazzag, clapote, refoulé, expulsé le long de la paroi anale, par le sexe du dattier ; Wazzag retient son fou rire ; Khamssieh s’éveille : la tarentule, alertée par le frémissement des muscles, s’enfonce dans la  narine du putain ; lequel, flairant l’odeur, se retient d’éternuer, ramène ses jambes l’une contre l’autre, réprime le tremblement de son corps enduit d’une sueur froide qui fait suinter le sang séché, perler le sang frais sur le rein ; la narine gonflée de foutre comprime l’insecte ; le rire de Wazzag éclate ; la tarentule pique la narine : le venin, poussé par le sang, voile les yeux du putain, amollit la paupière ; la main, affaiblie, de Khamssieh, écrase la tarentule dans la narine : le venin durcit son front ; les ongles de ses doigts raclent le sang refroidi sur ses seins ; il tire, par ses pattes engluées, la tarentule morte, hors de sa narine, l’enfouit entre ses fesses ; il repose ses coudes exténués sur les amoncellements de serpillières : son sexe s’effondre dans ses boules desséchées ; le relent de l’enculée baigne la salle ; le frottis du jeans, les pots, réguliers dans le silence auroral ;

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la vache jette sa tête sur son encolure, sa langue enveloppe, le bâton souillé, la mâchoire du garçon ; lequel, pâlissant, la secousse le redressant, tousse, sa main écartant le bâton ; un feu brûle sa poitrine, ses yeux fument, Hamza les pique avec le bâton ; le berger enfouit son visage dans le ventre de la vache, le bâton frappe sa tempe ; il allonge ses jambes le long du ventre, enfouit ses pieds nus dans les fanons de la vache, jette son bras autour de la croupe ; la vache lèche les blessures de ses jambes ; l’adolescent tousse dans le pelage ; Hamza lui frappe le gras des fesses ; la vache jette sa corne contre le bâton ; le jumeau surgit, tenant entre ses bras une marmite dont la vapeur sifflant sur l’eau heurtée baigne tout le haut de son corps luisant : un enfant, nu, titube, accroché à sa jambe ; le jumeau dépose la marmite sur le foin ; Hamza empoigne le cou du berger, tire la tête, la maintient au-dessus de la marmite, dans la vapeur ; le jumeau, écartant le berger, cale le bébé dans l’angle de la cuisse de la vache, prend le pis, le fourre dans la bouche du bébé ; s’accroupit, face à Hamza, souffle sur la bouillie de fèves ; le berger saisit une anse de la marmite, plonge son mufle dans la vapeur ; Hamza lui empoigne les cheveux, se redresse, traîne l’adolescent par ses cheveux, vers le fond de l’abri ; le bébé, son visage éclaboussé de lait, tête ; les jumeaux se jettent sur la bouillie, lapant la surface refroidie, creusant dessous à pleines mains, portant les boules malaxées à leurs lèvres ; les yeux, les lèvres du berger luisent dans la pénombre vaporeuse : la bave baigne son menton ; le short des jumeaux accroupis glisse sur leurs fesses à mesure que leur ventre se remplit ; leurs narines aspirent des fèves ; entre les bâfrées, ils se renversent sur le dos, sortent leur sexe du short, l’orientent, dardé vers le berger ; lequel, ses paupières vibrant sur ses yeux, suçote des brins de foin trempés dans ses blessures ; les jumeaux, ayant bâfré, se renversent sur le flanc de la vache, le mufle barbouillé de bouillie, des fèves écrasées sur le coin de leurs yeux, pressés ardents, leurs hanches accolées, leurs lèvres s’abouchant contre le pis : le bébé, déposé par Hamza contre le cul de la bête, la tête appuyée sur la racine de la queue, dort, le lait sèche bleuté partout sur son menu corps tressaillant ; les deux jumeaux, riant cul relâché, tètent, dents contre dents, le pis gonflé ; joue contre joue, entre les tétées, ils s’arc-boutent ; butant leur front contre le sol tapissé de foin souillé, ils guettent, leurs yeux renversés sous l’arc des cuisses, le berger assoupi, assis sur son séant, sa tête renversée soutenue dans ses mains croisées sous sa nuque ; le berger, les deux jumeaux se réabouchant au pis, marche, à quatre pattes, vers la marmite où la vapeur fume sur les restes de bouillie, langue pendante, salive accrochant la poussière de foin ; Hamza, d’un coup de pied, renverse la marmite, son talon frappe la bouche du berger ; lequel, mastiquant ses gencives ensanglantées, recule vers l’ombre ; Hamza, sa main empoignant le cuir de la croupe, se hisse sur le ventre de la vache ; retourné sur le dos, écarte ses jambes, les raidit, rehausse sa tête sur le faîte de la croupe, se déboutonne, rabat les pans du short sur ses cuisses, dégage son sexe dont le gland est pincé dans la couture de l’entrejambe ; le sexe jaillit, rebondit sur sa racine

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le bébé rit ; le singe crache le henné, empoigne son membre durcissant dans la fourrure, s’arc-boute, oriente son membre vers le cul du bébé, attouche le bord de la fesse ; les jambes du bébé s’écartent, son rire, plus lent, rauque, secoue ses épaules cuivrées par plaques ; ses aisselles s’ouvrent, ensuées, où le singe fourre ses poings ; le membre du singe, faufilé entre les fesses du bébé, durcit, s’aiguise ; ahanant, le singe, pour le radoucir, se contorsionne, scrute la stratosphère, tapote le fessier alentour du membre fiché, câline la racine du membre, caresse la nuque rase du bébé, lui prend ses mains éparses sur le sable, les baise : le membre, acéré, attouche le cul du bébé ; le bébé cambre ses reins ; un soupir de la femme ébranle le front du singe, le bébé plaque ses mains ouvertes contre ses oreilles ; le singe retire son membre éjaculant, enjambe le fessier, s’élance, pressant son membre dans son poing ; le bébé, redressé, roule son fessier éclaboussé dans le sable, marche vers l’abri où le singe, vautré sous la peau tendue, se branle, consomme l’orgasme, 

[…]

le bébé crache, frappe du poing le membre ; du poing libre, gratte, racle la fente de son cul noyé de semence aigre ; le singe, d’un coup de rein, saute sur les épaules du bébé, y accroche ses pieds, titube, balance, traîne son membre englué sur le crâne ras du bébé, autour de la touffe occipitale, assied, pliant ses genoux, son séant ensué, sur l’occiput, étire son membre, le long de la joue du bébé, le lui applique sur ses lèvres closes, emmorvées ; le bébé, s’apaisant, ouvre ses lèvres, tette le membre ; le singe câline son front, presse, yeux vagues, la racine du membre, refoule la semence vers le gland, soupèse le membre, câline la joue qui tète ; la semence emplit la joue, déborde sur la langue ; le bébé, semence avalée, mord le membre, crache, criant, chair du membre transpercée par ses dents nouvelles, sa salive mêlée semence ; le singe, ses ongles griffant les lèvres du bébé, glapit ; le bébé secoue ses épaules, lâche le membre, déglutit, agenouillé, dans le gazon éclaboussé 

Pierre Guyotat, Éden, Éden, Éden, Paris, Gallimard, coll. « L’imaginaire », 1967, pp.39-40 ; pp.41-42 ; pp.60-61 ; pp.85-86 ; pp.202-203 ; pp.206-207.

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