Celui dont on parle
Je n’ai jamais eu beaucoup d’amis. Probablement par mépris pour la masse de fréquentations qu’il faut avoir pour trouver l’aiguille dans la botte. Jadis, il m’arrivait pourtant de côtoyer quelques grappes de zouaves. De tous ces amis d’amis, qui ne vérifient pas l’adage, je ne retiens pas grand chose. Mais il y a un souvenir, que j’aime à raconter. C’était avec la bande des costumés, celle qui calcule en masse, la bande au gros Jojo, celle qui veut faire sa place. Ils étaient tous quelque chose, un doigt de la main armée, la ventouse d’un tentacule. Bref, un lobbyiste, un administrateur, un prestataire, un journaliste. C’est le journaliste qui m’intéresse. Il était tout en paradoxe. Il était l’aîné, mais vierge à souhait. Il parlait fort sans avoir rien à dire. Il était le chef fragile dont tous se moquaient. La soirée finie, il me suivit jusqu’à chez moi, gueulant des sons dans la rue vide. Un pauvre larre le reconnut, un passant, un clochard. C’est l’enflure de la télé ! Mais oui, lui dis-je. Et il se mit à entonner la plus simple et la plus juste des comptines :
Et l’autre diable d’autiste,
Il est vraiment trop con
Avec ses vieilles chaussettes
Qui serrent son pantalon.
On voit sur quoi il mise
Pas sur l’esprit, ça non
C’est bien chic une chemise
Mais pas dans un caleçon.