Stand
Ils sont là par un hasard total. L’un a rencontré l’autre autre part. Puis ils se sont dit : Pourquoi pas lui, elle ou encore eux ? Un autre jour, ils se sont enfin trouvés là – c’était le soleil, paraît-il, il éclairait la terrasse, c’étaient un peu les prix aussi, un peu le silence. Enfin, s’ils sont d’accord sur la grandeur du quartier, rien ne les disposait à se trouver là. Mais ils s’y tiennent pourtant, là, à ce Stand. Ils s’y donnent rendez-vous sans savoir que seul le hasard les y fait se tenir – il faisait soleil, disaient-il, il fait tradition maintenant. Tradition, oui, c’est ce qu’ils disent, ce qu’ils disent sans savoir que c’est là le premier-né du hasard.
Tenir comme on se restaure, une fourchette et un couteau à la main. L’appétit, c’est la santé dit-on. Alors restaurons-nous pour tenir, pour penser, pour écrire. Une position ne se tient pas si facilement que cela. Mais quelle est notre position au juste ? Que disons-nous à celles et à ceux qui ne déjeunent pas ici ? Nous pourrions dire que les vertus de l’appétit doivent se retrouver dans les mots, que la nouvelle littérature n’est pas un plat gastronomique mais plutôt un plat simple qui nourrit : des ingrédients cueillis au gré de nos pérégrinations, un goût accueilli sur le chemin de la fourchette vers la bouche, une sauce qui lie les ingrédients, la simplicité d’un mélange faisant ressortir les saveurs de chacun des produits. Il est essentiel de chercher en littérature les complémentaires comme en peinture les couleurs. À ce stade, il ne s’agit pas de disposer d’un décor inutile. Il suffit d’une belle assiette qui fume et qui contente et les yeux et le ventre. Rien de trop, juste ce qu’il faut. Je tiens pour vrai la vie en camaraderie et en plein air. Il est essentiel pour cela de combattre et c’est peut-être aussi je crois pourquoi nous sommes là, au Stand, aujourd’hui réunis.
Le Stand est tout entier son dehors.
Un régulier sans permanence.
Vendredi, jour de marché,
nous sommes les fruits de son étal.